Le serpent qui se mord la queue : la question d’Ygrec-ENSAPC
Nous nous sommes retrouvéxes avec Hugo, pour échanger sur son expérience à Ygrec, centre
d’art de l’ENSAPC ouvert à Aubervilliers depuis 2020. Cet entretien retrace son parcours :
celui d’une conscientisation, puis celui de la mise en place de stratégies de défense face à une
structure. En travaillant ensemble, nous avons longuement hésité à anonymiser ou non les
personnes dont nous parlons. Nous avons réfléchi aux risques que cela pouvait engendrer, et à
la meilleure manière de partager les évènements.
Nous avons tenté de développer une approche systémique des problèmes que Hugo a rencontrés
à Ygrec. En effet, il est clair pour nous que tout ce que nous relatons ici est le résultat de choix
politiques portés collectivement par la direction d’un centre d’art, la direction d’une école, et
plus largement des directives à l’échelle de la ville et du Ministère de la culture. Il ne s’agit pas
de centrer la critique que nous produisons sur unxe individuxe, mais de comprendre la manière
dont iel est partie prenante d’un fonctionnement qui l’englobe, donc à la fois actif et passif
dans ce système.
Nous avons finalement fait le choix de laisser les noms des personnes concernéxes. Cela nous
semble essentiel de ne pas nous censurer en anticipant des possibles intimidations avant même
qu’elles ne soient advenues, car cela participerait à un processus d’auto- empêchement que
nous tentons de défaire.
Nommer est important, dans la mesure où la désignation rend visible. Rendre visible donne
plus de prise pour se défendre. Mais rendre visible nous expose aussi nous, en tant que
personnes tentant de nous défendre, faisant de nous à nouveau une cible face à des appareils
qui produisent “des êtres qui, plus ils se défendent, plus ils s’abîment” (Elsa Dorlin, Se
Défendre, Une philosophie de la violence, 2017). Rendre visible expose aussi l’autre, et cette
stratégie nous place souvent dans l’attente implicite d’un processus punitif, d’une exclusion, ou
d’une sanction. Nous avons conscience que donner des noms permet plus facilement aux
personnes qui détiennent le pouvoir d’appliquer des sanctions axées sur les individus et non de
prendre la mesure d’un dysfonctionnement collectif plus large, les remettant elleux aussi en
question au sein des places qu’iels occupent.
Nous nous sommes interrogéxs sur l’efficacité transformatrice des processus de dénonciation.
Sommes-nous d’accords d’assimiler ces stratégies pour nous défendre ? Est-ce que cela nous va
de faire face à une forme de violence en reproduisant des mécanismes issus de cette même
violence ? Et surtout, quelles sont nos alternatives ? Partant du constat que d’autres espaces,
d’autres outils, nous manquent pour faire autrement, nous devons d’abord commencer par
raconter nos histoires.
[Cet entretien a initialement été publié dans Show - Revue étudiantx participative. Tous les numéros de la revue sont téléchargeables en pdf sur leur site.]
Fanny Lallart : Bonjour Hugo, Je voulais te proposer de recontextualiser ton expérience avec
Ygrec en parlant des différents projets que tu as menés là-bas.
Hugo Bausch Belbachir : J’ai travaillé à Ygrec-ENSAPC dans le cadre de la présentation de
l’exposition Aphélie, toutes les étoiles sont déjà mortes dont j’étais le commissaire sans vraiment
vouloir l’être; je me définissais plutôt comme un artiste à l’initiative d’une proposition
curatoriale. C’est un projet auquel je réfléchissais pour une galerie importante à Paris et avec
laquelle j’ai arrêté de travailler car elle ne voulait pas produire l’exposition, ni rémunérer les
artistes. C’est à cette époque que j’ai commencé à en parler avec Guillaume Breton, professeur
de professionnalisation de l’École d’art de Paris-Cergy et directeur du centre d’art Ygrec-ENSAPC. Il m’a proposé de présenter l’exposition au centre d’art de l’école, dont il venait de
reprendre la direction. Guillaume proposait de produire l’ensemble de l’exposition et de rémunérer touxes les acteurices, ce qui était intéressant. Surtout, Ygrec-ENSAPC m’était
présenté comme un centre récemment implanté à Aubervilliers suivant une logique de
“revalorisation du territoire”, ce qui m’avait paru un argument constructif. J’ai accepté. Au fur et
à mesure, et de façon très violente, les procédés se sont inversés.
FL : Au fur et à mesure, tu te rendais compte qu’il grignotait à droite à gauche sur ce que vous
aviez convenu ?
HBB : Oui. Le centre d’art – qui garantissait la production complète de l’exposition et notre
rémunération – est soudainement devenu un espace au “petit budget” qui baissait au fil des
semaines. On passait de 3 000 euros à 2 000, puis 1 900, parmi d’autres choses. J’en avais discuté
avec Lucas Morin – dont l’exposition se clôturait au même moment – qui se confrontait aux
dysfonctionnements de l’administration de l’école auxquels j’allais faire face plus tard. À
l’époque, Guillaume m’avait fait venir démonter – gratuitement – l’exposition to Thomas pour
“rencontrer Lucas”. Rapidement c’est devenu une logique de pression : les “c’est cool, tu nous
aides et ça te permet d’apprendre” sont devenus des techniques d’exploitation et de travail
gratuit. L’école joue un rôle évident dans le manque de techniques de défense face aux pressions
institutionnelles, voulant elle-même engendrer un rapport de force au sein d’Ygrec-ENSAPC.
Très tôt, mon approche a servi de faire-valoir à l’image conversationelle quant aux questions
queer, inclusives et collectives que veut se donner l’école. Mon exposition développait un
rapport à une architecture pour le sexe, à une nostalgie du clubbing, aux cultures de rave et à la
mémoire de l’amour, et était portée par des gens qui étaient très engagéxes. Ygrec-ENSAPC
incarne des positions opposées tout en capitalisant sur ces points-là. Chaque mail, texte,
invitation ou dossier sortant du centre d’art devait être validé par la direction, délégant son
fonctionnement à Corinne Diserens – directrice de l’école – plus qu’à Guillaume Breton.
L’ensemble de mes recherches étaient constamment corrigées et modifiées avant d’être
envoyées. Je me souviens avoir dû envoyer un dossier de presse que j’avais fait secrètement
tellement celui proposé par l’école était rempli de fautes, d’erreurs sur les artistes et les œuvres.
C’est à ce moment que j’ai commencé à établir des techniques de contournement face aux
instrumentalisations de l’école.
FL : Ça montre bien le retournement que ça opère : Guillaume Breton essaie de te faire croire
que c’est toi qui est privilégié, alors que c’est clairement Ygrec qui instrumentalise ton travail.
HBB : Le rapport de force s’est manifesté de manière concrète dans la deuxième partie de mon
travail à Ygrec-ENSAPC, au moment où – quelques semaines avant la date de la première
ouverture de l’exposition – Guillaume Breton m’a annoncé qu’il était revenu sur la “possibilité de
(me) rémunérer”. Ça a été un moment très violent. On parlait évidemment d’une rémunération
symbolique qui était en dessous des barèmes établis pour les centres d’art, qui ne permettent
eux-mêmes à personne de vivre. À l’époque, j’étais très clair sur ces questions. Pour être plus
précis : je ne me considère pas dans des logiques de rémunération lorsque je travaille au sein
d’un groupe qui subit lui-même des pressions économiques, et souvent contre lesquelles il
œuvre dans des petites galeries, au sein de collectifs étudiantxes, d’associations artistiques, etc.
Pour Ygrec-ENSAPC c’était différent ; Guillaume Breton insistait sur ses positions éthiques
quant au travail artistique, étant membre du réseau TRAM et devant ainsi répondre à un certain
nombre de critères législatifs. Au milieu de l’été je me suis donc vu dire que j’étais “un simple
étudiant en position de monitorat” qui ne pouvait pas – d’un point de vue légal – recevoir de
rémunération. Ce n’était pas une question de budget, car des financements on en trouve ;
Guillaume Breton refusait simplement de rémunérer un travail étudiant. Les budgets des
précédentes expositions étaient pourtant trois fois plus élevés que celui de mon exposition. Tu
vois, ce ne sont pas non plus des techniques d’exploitation qu’on a tenté de me cacher. J’avais
accès aux budgets des projets précédents.
FL : Comment as-tu géré avec les artistes de ton exposition ? J’imagine que tu étais dans une
position d’intermédiaire.
HBB : Je connaissais bien les artistes du projet, donc ça a été assez facile de les avertir des
rapports de force que Guillaume Breton établissait. Rapidement, j’ai établi une relation de
confiance avec elleux, ce qui m’a protégé.
FL : Aujourd’hui, où en est ta rémunération et celle des artistes ?
HBB : En ce qui concerne les artistes, iels ont eu un contrat au moment de l’ouverture mais ne
sont toujours pas payéxes à ce jour. Moi je suis le seul à ne pas en avoir, étant un étudiant en
“position de monitorat” dans un centre d’art qui “m’offre une chance”. Quand on m’a annoncé
que je ne serai pas rémunéré, c’était aussi à un moment où je ne pouvais pas faire demi-tour.
C’était un peu du “si tu te démerdes pas tu ne pourras pas faire l’exposition que tu voulais faire”.
La pression jouait sur cette détresse. Je pourrais te raconter des conversations délirantes
pendant lesquelles on m’a parlé comme on parle à un enfant, des mails hallucinants dans
lesquels Guillaume Breton revenait sur mes demandes avec des logiques de culpabilisation
prétendant m’ouvrir une porte précieuse, tandis que je travaillais dans un environnement toxique
et raciste qui allait se faire un max sur le dos de mon travail gratuit.
FL : Cette stratégie d’infantilisation que Guillaume Breton mettait en place, est liée à la position
idéologique de la direction sur le travail étudiant. J’ai beaucoup de souvenirs de réunions
générales où la directrice disait très clairement qu’un travail fait dans l’école par unxe étudiantxe
ne pouvait pas être rémunéré. Cette conception du travail étudiant est à interroger. Pour elleux
se jouent ici les distinctions qu’iels font entre “étudiantxes en art” et “artistes
professionnelxles” et de l’endroit où se place la limite entre les deux. Toutes ces dénominations
sont des manières de créer du contrôle politique et économique sur les corps dans une école, de
ne pas donner les moyens matériels pour s’autonomiser financièrement. D’ailleurs, quels liens
as-tu perçus entre Ygrec et la direction de l’ENSAPC ?
HBB : Guillaume savait par exemple que je préparais le concours d’entrée de la Stadelschule de
Franckfort, et me répétait que Corinne était mon “passe droit pour y rentrer, elle qui connaît très bien la directrice”. C’est assez étrange. J’ai eu l’impression qu’il
avait besoin de faire ses marques face à la direction, ce qui peut aussi expliquer la violence qu’il
exerce avec les gens qui travaillent à ses côtés. Ou du moins son envie de bien faire et peut-être
de trop faire. Il m’expliquait qu’il avait étudié à Londres, dans une école prestigieuse et qu’il avait
organisé des expositions avec des gros noms de l’art contemporain quand il travaillait dans cette
galerie dont j’ai oublié le nom. Il représente une idée carriériste très violente à laquelle je ne
m’identifie pas. Il y avait une atmosphère de start up nation, très blanche, très hétérosexuelle et
qui prétendait offrir beaucoup à la ville.
La direction de l’école, en un sens, reflète aussi
cette réalité. Quand j’avais formulé ma demande de financement auprès d’elle, c’était aussi pour
assurer une rémunération correcte envers les artistes et pour considérer mon approche
curatoriale. C’est quelque chose que j’avais appuyé pendant mon rendez-vous avec les membres
de ce conseil, et dont j’avais été en quelque sorte félicité. Guillaume, lui, l’a plutôt vu comme
une manière d’économiser sur le budget annuel du centre. Pour l’exposition, il m’avait demandé
une liste de “VIP” (pour reprendre ses mots), de gens qu’il serait important de faire venir ; des
critiques, des commissaires, des artistes importantxes. Je lui ai dit que je ne connaissais pas de
VIP – dans le sens où il l’utilisait – et que si ma mère ou mon cousin ou une critique d’art voulait
venir je serai là dans tous les cas. Quand je disais “j’aime beaucoup le travail de cette critique” il
répondait “écoute je la connais bien, elle dîne souvent à la maison, t’en fais pas je l’appelle”. Il
voulait me faire comprendre qu’il me faisait des faveurs. Il le propose comme une opportunité à
saisir, avec un vocabulaire d’entreprise financière d’échange de bons procédés qui m’effraie. Un truc très corporate qui me dérange beaucoup dans tout ce que cela évoque d’hétéronormatif, de
classiste, raciste et impérialiste.
FL : Au sein de l’école, quelle place a selon toi Ygrec ?
HBB : Comme beaucoup de monde, je n’avais aucune connaissance d’Ygrec à mon arrivée à
l’école. C’est venu après. Beaucoup d’élèves m’ont dit que j’avais de la chance d’y travailler car
iels n’avaient jamais reçu de réponse pour les projets qu’iels y avaient soumis. Le contact que
Guillaume Breton a envers ces mêmes étudiantxes est un rapport de repérage qu’il considère
comme un investissement pour Ygrec. Beaucoup d’étudiantxes m’ont parlé de l’espace qu’il y
avait avant, celui des Grands Voisins, qui semblait être un espace de travail beaucoup plus
ouvert. L’espace d’Aubervilliers est distancé des étudiantxes.
FL : Tu penses qu’il y aurait la possibilité d’imaginer que les choses se passent autrement à
Ygrec ?
HBB : L’idéal serait qu’Ygrec soit un espace autogéré par les étudiantxes. Du moins, qu’il y ait un
véritable travail transversal entre touxes ses acteurices. L’élan politique serait très différent, les
propositions plus variées, les modes de travail beaucoup plus collectifs. Je crois que ça formerait
aussi une autre image au lieu. Par exemple, aucunxe habitantxe d’Aubervilliers n’est venuxes.
Personne ne sait que c’est un centre d’art. Ça reste un espace artistique blanc qui ne s’est jamais
ouvert aux communautés qui l’entourent et face à qui, de manière évidente, il s’érige comme un
mur. Guillaume Breton, qui me présentait pourtant Ygrec comme un espace qui s’implante dans
un cadre socioculturel politique très fort, ne m’a jamais semblé être ouvert à leur accueil.
Aubervilliers est une ville qui a une histoire très particulière liée à l’immigration et qui est forte
de toutes ces cultures ; Ygrec s’en sert comme un atout progressiste, engagé et conversationnel.
Ça ne se manifeste jamais dans l’action, jamais. Je me souviens d’une réflexion qui m’avait
marquée: je devais accueillir cette critique, assez importante, et il m’avait vivement conseillé de
ne pas acheter des pâtisseries dans le quartier mais plutôt dans Paris, à moins que je veuille “des
trucs rebeux, mais bon c’est bof”.
FL : On (un groupe d’étudiantxes) avait essayé de parler du contexte avec lui. Comment faire
pour essayer de déjouer les logiques de gentrification dans lesquelles Ygrec allait s’inscrire ? Il y
avait plusieurs idées qui passaient par la mise à disposition de cet espace pour des personnes du
quartier, à des associations, à des personnes militantes.
HBB : Sylvie Blocher nous avait dit que “ça allait sûrement changer la vie des gens du quartier
de voir de l’art”, comme si l’art qu’iels avaient vu ailleurs n’avait pas été valide.
FL : Guillaume Breton nous a proposé de prendre un café pour en parler. Et là il nous dit cette
phrase : “si vous voulez faire des trucs avec les gens du quartier pourquoi pas mais attention, faut
pas que ça soit couscous party tous les dimanches”. On était très choquéxes.
HBB : C’est très grave. C’est d’une violence terrible. Tu vois Ygrec est un espace qui s’ouvre à la
rue avec une grande vitrine ; les gens du quartier passent devant, des pakistanaixes, des
sénégalaisxes, des algérienxnes, des femmes avec ou sans le foulard, des enfants qui sortent de
l’école, et qui passent devant ce lieu étrange qui vient d’arriver dans cette ville aux situations très
précaires, aux rapports avec la police très violents, à une histoire politique particulière, hors de
Paris et traversée par une grande route. Iels voient ce truc très lumineux, ce white cube rempli de
blancxhes. Dans l’exposition to Thomas il y avait cette pièce lgbtq+ (un meme qui abordait les
positions queer face aux hétéroséxualités) dont Guillaume Breton était assez fier. Il me répétait
que les “mères du quartier étaient toutes choquées quand elles passaient devant” (des mères
racisées, bien sûr), alors que ma mère blanche aurait été tout autant interrogée par l’œuvre. J’ai rapidement compris que j’allais présenter une recherche dans un espace qui était un acteur du
racisme systémique et de la néo-colonisation. Je t’avais aussi dit que les membres de la Mairie
d’Aubervilliers l’avaient remercié pour ce centre d’art qu’iels préfèrent à un “énième Kebab”. Et
puis le discours devenait ensuite beaucoup plus hostile, du genre “prends un taxi pour venir avec
les pièces, surtout pas le métro”, “tu ne peux pas laisser une salle avec des enceintes ouverte à
Aubervilliers”, “après 18h y’a pas de femme dans la rue (...) ici le taux d’Islamisation est énorme,
il faut faire attention”, “quand ma mère vient déjeuner avec moi je suis obligé d’aller la chercher
au métro, c’est la seule blanche ici”. Après les opinions politiques de Guillaume Breton ne me
regardent pas, mais elles vont de pair avec la logique d’Ygrec-ENSAPC. C’est l’économie du
progressisme. L’image d’Ygrec se veut ouverte, décoloniale, féministe, queer, mais
sa méthode de travail s’inscrit à partir des modèles d’oppression inverses. Ce sont des choses
que j’ai réalisées plus tard, en suivant le cours de Sylvie Blocher, “Plateforme expérimentale”, à
Ygrec, pendant lequel Guillaume, en qualité de directeur, nous avait présenté la ville avec les
mots que je viens de citer ; la soi-disant absence de femmes après 18h, l’islamisation de la ville, la
violence des habitantxes à la station Quatres-Chemins, etc. Ça a été un moment très violent pour
les étudiantxes présentxes. Il y avait aussi eu ces échanges avec Sylvie, qui pointaient du doigt
ma sexualité comme antinomique à mes origines marocaines et la confession religieuse de ma
famille paternelle musulmane, que j’ai ressentis comme une agression. Je me souviens aussi des
réactions que Guillaume Breton pouvait avoir avec certainxes habitantxes, visiblement dans des
situations précaires graves, qui se collaient à la vitre ou qui toquaient. Son comportement était
constamment suspicieux et ses échanges avec elleux très agressifs.
FL : Qu’est ce que tu as appris de cette expérience ? Est-ce que ça a redéfini des choses dans ta
manière de penser une exposition ?
HBB : C’est assez étrange; Ygrec m’a surtout permis de comprendre comment détourner les
choses par moi-même face au danger. J’ai l’impression d’avoir dû, à un moment, prendre les commandes sournoisement pour terminer mon projet de la meilleure
manière, et donc réfléchir à des techniques de contournement. La question des rémunérations,
des contrats, de l’accueil et des documents administratifs m’est venue en dehors comme une
réponse contre Ygrec. Avec toi, avec d’autres étudiantxes, des artistes et des commissaires qui
m’ont aidé. Ça a évidemment redéfini l’approche que j’ai des espaces d’art dans lesquels j’ai
désormais envie d’évoluer, et avec des attentes spécifiques; ouvertes, collectives et paritaires. J’ai
aussi réalisé que j’avais besoin de travailler dans des espaces indépendants, autogérés par des
jeunes artistes, des étudiantxes et des travailleureuses de l’art engagéxes avec qui mes positions
entreront dans un barème respecté ; dans des logiques de rémunération, de positionnement
social, générationnel et qui s’impliquent dans des logiques de visibilisation des espaces dans
lesquels iels se développent. C’est des choses dont j’avais conscience avant, mais qui se sont
confirmées. Ça m’a aussi permis d’apprendre à me défendre de ces logiques d’exploitation. Très
tôt, j’ai réussi à mettre des barrières et revoir les modalités de ma collaboration. Je suis certain
qu’unxe étudiantxe qui n’a pas conscience de ces logiques d’autodéfense n’aurait pas pu
continuer à travailler à Ygrec.
FL : Merci beaucoup Hugo.
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