Droit de réponse à Christophe Leribault, directeur du Petit Palais


Dans un article (« Coronavirus : expositions fantômes, reports, casse-têtes… le désarroi des musées » ) paru dans Le Parisien le 15/04/2020, le directeur du Petit Palais, Christophe Leribault évoque notamment : « Toutes les prestations annulées dans l’un des plus beaux lieux parisiens : plusieurs défilés de mode et soirées privées, très prisées. “Chez nous, les collections permanentes sont gratuites, le public ne paie que pour les expositions. Avec toutes ces soirées annulées, on perd notre mécénat et la location d’espaces, vitaux pour notre économie”. »
Le Collectif des vacataires de Paris Musées, engagé depuis plusieurs mois dans une lutte sociale l’opposant à Paris Musées et à la Mairie de Paris concernant leurs conditions de travail et la précarité de leur statut, nous a fait parvenir un droit de réponse suite à ces propos.

Image : Collectif des vacataires de Paris Musées

Monsieur,  

Nous avons pris connaissance avec beaucoup d’intérêt de vos difficultés présentes à boucler le budget de votre établissement, du fait de l’annulation des défilés de mode, des soirées privées, et des expositions qui sont reportées – peut-être à la réouverture, peut-être à l’année prochaine. Nous comprenons que cela affecte votre optimisme. Il y a un jeu de contraintes créées par les évolutions des normes budgétaires des établissements publics qui les rend très fortement dépendants des ressources propres qu’ils parviennent à dégager. En temps ordinaire, cette configuration fonctionne au profit des grands établissements (tout en affaiblissant les plus petits), mais en temps de crise, elle les déstabilise subitement, comme aujourd’hui dans cette situation inédite de pandémie.
Il se trouve que ce modèle économique repose également sur l’exploitation toujours plus massive de travailleur·se·s précaires, « vacataires » du service public bien qu’ils et elles soient subordonné·e·s à l’autorité administrative, payé·e·s avec un décalage d’un mois et privé·e·s des droits ordinaires des contractuel·le·s. La direction des ressources humaines de Paris Musées, dont vous dépendez, nous a d’ailleurs informé·e·s que nous ne serions pas payé·e·s pendant toute la durée de fermeture des musées, quand bien même nous savions que nous devions être renouvelé·e·s, que nous avions une lettre d’engagement, ou même, pour certains vacataires de votre établissement, que nous avions déjà signé notre contrat. Les dessins de la Collection Prat ont été accrochés, les contrats ont été signés, mais les paies, elles, ont été suspendues : il y a là une forme d’abus administratif. La situation est identique au Palais Galliera, où l’exposition Chanel devait commencer à la fin du mois de mars, et au Musée d’Art Moderne – plusieurs expositions temporaires auraient dû s’y tenir, à partir du 26 avril –  : cette lettre s’adresse donc aussi aux directeurs de ces musées.

Ce sont entre 150 et 180 vacataires qui se trouvent sans salaire, sans grande possibilité de trouver un autre travail ni, pour beaucoup d’entre nous, de toucher le chômage. Nous avons, nous aussi, beaucoup de mal à boucler nos budgets quotidiens, à payer nos factures, sans savoir pour combien de temps nous serons sans salaire, et cela affecte également notre optimisme. Nous nous sentons donc assez solidaires de votre situation, à cette nuance près que le budget d’un établissement public n’est pas assimilable à un budget familial et que les conséquences individuelles ne s’équivalent pas.

Nous savons qu’il y a une division du travail de direction, que vous êtes en charge des questions artistiques et de développement des ressources propres des musées, et non du budget, ni du personnel qui relèvent de votre établisssement public de tutelle, Paris Musées. Malheureusement, nous avons adressé plusieurs demandes à Delphine Lévy, la directrice générale de Paris Musées et à Christophe Girard, son président, sans obtenir de réponse de leur part. Or nous avons appris que, dans les autres Directions de la Ville, les vacataires avaient eu la garantie qu’ils et elles seraient payé·e·s pendant toute la période de fermeture des établissements, même si ils et elles n’avaient pas encore pris leur poste.
Nous demandons donc que Paris Musées s’aligne sur les règles de gestion des ressources humaines de la Ville, et que le paiement de tou·te·s les vacataires qui auraient dû être affecté·e·s sur les prochaines expositions soit déclenché à la date initialement prévue. Nous sommes appelé·e·s à travailler régulièrement dans les établissements que vous dirigez : nous pensons donc que vous serez d’accord pour relayer notre demande auprès de la direction, qui est comme frappée de surdité depuis le 13 mars.

Nous vous prions, Monsieur, de bien vouloir croire en l’expression de nos salutations les meilleures,  

Un collectif de vacataires de Paris Musées