La logique culturelle des fondations privées d’art contemporain à l’ère du capitalisme tardif


Artistes au Zoo / Umjetnici u kavezu (u Zološkom vrtu), 1976–1998
Performance avec le groupe des six Boris Demur, Mladen Stilinović, Sven Stilinović, Zeljko Jerman et Vlado Martek .
Photo: Boris Cvjetanović, Courtesy Boris Cvjetanović 

Artist in the Zoo 
L’œuvre Artist in the Zoo / Umjetnici u kavezu (u Zološkom vrtu), réalisée en 1976 à Zagreb à l’initiative de Vlado Martek et du Group of Six Artists (Groupe des six artistes réunissant Mladen et Sven Stilinović, Fedor Vučemilović, Boris Demur, Vlado Martek et Željko Jerman), offre l’exemple d’une mise en forme critique de la logique du dispositif culturel, dont ce texte cherche à introduire et étendre l’analyse aux institutions artistiques récentes. En effet, dans la note d’intention qui accompagne cette « exposition-action », Martek attire l’attention sur certains aspects de cet événement. Il caractérise, tout d’abord, le dispositif choisi pour mener cette expérience artistique comme un « marked space » inscrivant ainsi le zoo dans une catégorie plus large de lieux publics, comme la plage ou la rue, qui ont été des sites d’interventions du Groupe des six artistes, puis il décrit les sujets inhérents à ce type de lieu : un public non-professionnel de l’art ou non captif des galeries. Ces paramètres spatio-sociologique sont investis par le collectif qui convie des amateur·rice·s d’art à assister à un événement sans aucun artefact artistique. Ainsi, ce dont il est question ici est la création d’une situation de voyeurisme mutuel qui s’impose à des groupes constitués par leur pratique respective dans un espace de séparation (le zoo) : « Concrètement parlant, c’est là un acte de provocation absolu: en se positionnant eux-mêmes, dans un espace ségrégé où le fait de regarder est primordial (pour regarder “l’Autre”), il y a un changement de paradigme, un retournement. En regardant ceux qui regardent, les artistes créent une déviation de la dynamique regardant – regardé. L’exotisation du regardé est miroitée. » [1]

Le zoo figure ici le dispositif de gouvernement dont Giorgio Agamben indique qu’il assure les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants en impliquant un processus de subjectivation. En se saisissant, à contre-emploi, de l’enclot animal, le Groupe des six artistes expose le caractère interchangeable des processus d’objectivation et de désubjectivation qui sont à l’œuvre dans tout dispositif, et la manière dont, dans le contexte artistique, l’artiste, le responsable de l’institution et l’audience intériorisent ces positions réversibles, Tony Bennett a également analysé ce phénomène dans son article « The Exhibitionary Complex » [2]. L’artiste en animal de zoo ou en hacker selon Yves Citton, le·la conservateur·rice de musée en administrateur·rice de biens ou en manager d’entreprise pour Rosalind Krauss, habitent des lieux aux plans libérés de leur limites mais ne dressant pas moins des séparations de races, de religions, de classes et de genres. C’est de notre corps à corps quotidien avec ce type de dispositif, dont la théologie de la fondation privée d’art contemporain est la plus récente expression discursive et architecturale, dont il est question ici.

Vers une architecture, LE CORBUSIER, 1923


Plan libre

Lors du CIAM 4 (Congrès international d’architecture moderne 4) en 1933 à Athènes, Le Corbusier développe sa théorie de la maison domino ou de l’ordre ouvert en revenant sur son expérience, pour ainsi dire kinesthésique, de 1910 sur l’Acropole d’Athènes où il eut la révélation du « plan libre ». Le plan libre ou l’ordre ouvert sera conceptualisé dans une opposition, plan libre/plan paralysé, dans Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme [3] paru en 1930. Cette notion n’est pas isolée, mais est la conjugaison de plusieurs paramètres qui permettent de réunir les conditions pour une définition du plan libre ou de l’ordre ouvert.  D’abord l’approche angulaire dont Jacques Lucan dans Composition non-Composition : architecture et théories, XIX -XX siècles [4] rappelle l’importance : « Dans le cas du temple égyptien, l’approche est “centrale” selon un axe qui ordonne aussi symétriquement tout l’édifice. Dans le cas du temple grec, l’approche est “angulaire”, c’est à dire qu’elle résulte d’un décalage par rapport à toute axialité, le spectateur faisant un pas de côté. Avec l’approche angulaire, le parcours n’est plus soumis à la disposition elle-même : parcours et architecture acquièrent leur indépendance. » [5] 

Selon l’historien et les auteurs qu’il convoque, il s’établi une dialectique entre continuité et discontinuité : discontinuité dans la disposition des édifices, continuité du parcours qui permet de les appréhender individuellement. Si l’on fait un pas de côté, la vue d’angle prévaut sur toute vision frontale. Si Le Corbusier y puise l’idée de « promenade architecturale » en opposition avec la vue de façade, c’est que, toujours selon Lucan, « Ce que l’Acropole d’Athènes a permis de décrire et d’énoncer est un principe de plan antinomique de celui d’une suite de pièces symétriques. » [6]

L’autre aspect qui, pour Le Corbusier, concoure à rendre possible l’émergence de la théorie du plan libre dans les années 1930, est le développement du ciment armé, nouvelle technologie permettant l’ossature Domino. En effet, les murs porteurs ou la fenêtre furent toujours des obstacles au traitement du plan. Cette nouvelle technique des pilotis en ciment armé associée avec celle du verre pour les baies vitrées élaborée par les laboratoires Saint- Gobain ouvrent d’extraordinaires et d’infinies possibilités pour un plan nouveau. De l’enfermement du cadre rigide des murs porteurs portés par une façade magistrale, nous passons au plateau ouvert à cloisons mobiles rythmé par une promenade architecturale. 

Mais, c’est une approche critique envers l’ordre ouvert théorisé par Le Corbusier qu’il convient ici d’adopter. Comme l’a formulé Henri Lefebvre dans La production de l’espace [7], si le plan libre apporte de nouvelles solutions, la théorie de l’ordre ouvert met entre parenthèse sa pratique sociale et son inscription historique. D’autre part, dans la conférence « Air-Son-Lumière » du CIAM 4 [8], Le Corbusier, avec son ambition de produire un air exact à 18° sous toute les latitudes – « Il faut renoncer dans bien des cas à l’air du Bon Dieu [9] » – initie la catastrophe écologique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.

The Exhibitionary Complex

Comme le décrit Tony Bennett « […] les technologies du visible [sont] parties intégrantes des formes architecturales de la machine exposition. » [10] À la différence avec le cabinet de curiosité (ou wunderkammer) qui la précède, la machine exposition « […]a perfectionné un système autorégulateur des regards dans lequel les positions de sujet et objet peuvent être interchangées, dans lequel la foule en vient à faire communion et à se standardiser d’elle-même, intériorisant une vision idyllique et normée de ce qu’elle pourrait être, reçue par l’œil coercitif du pouvoir – poste d’observation accessible à tous. » [11]

Tony Bennett s’appuie sur la description faite par Michel Foucault des périodes historiques qui consacrent le pouvoir souverain, disciplinaire et biopolitique. Si on s’accorde à voir pour la première période à la Renaissance, l’architecture du théâtre (dont le Teatro Olimpico de Vicence [12] représente l’ultime version) comme la forme emblématique du pouvoir souverain, à l’émergence des Lumières, le musée d’un côté et le Crystal Palace [13] de l’autre, incarnent la période disciplinaire de cette époque. L’auteur précise d’ailleurs « que ce n’était plus le pouvoir du souverain qui était mis en spectacle, mais plutôt le pouvoir du capital » [14]. Le capital symbolique conservé par le musée était isolé du capital commercial géré par les expositions universelles. Dans un texte publié dans The documenta 14 Reader où il introduit la réédition de « The Exhibitionary Complex», Bennett formule cette question: « Comment les contextes institutionnels dédiés à la présentation de l’art sont passés des positions qu’elles occupaient aux proto-formes de la machine exposition? Et quelles relations à la vérité et au pouvoir informent maintenant ces pratiques ? » [15]

Maquette du centre George Pompidou
© Fondazione Renzo Piano

On peut répondre à cette interrogation en revenant à la notion du plan libre et de l’ordre ouvert selon Le Corbusier. En effet, si le musée encyclopédique traduit dans sa forme architecturale sa période disciplinaire, il faudrait alors désigner d’une autre manière l’organisation spatiale et temporelle qui lui succède à l’ère biopolitique dont les plateaux ouverts du Centre Pompidou peuvent, lors des premières années de programmation du lieu, être l’illustration [16]. Bennett remarque justement que le musée d’art contemporain, qu’il décrit aussi comme un « experience museum », se distingue nettement de l’archétype de l’« exhibitionary complex » rythmé sur une narration temporelle de la modernité, sans pour autant le sortir de cette catégorie. Si chaque période ne chasse pas entièrement la précédente – à l’ère disciplinaire il reste des vestiges du règne souverain – il est néanmoins utile de saisir le changement de paradigme à travers sa traduction architecturale. Bennett suivi par Terry Smith – qui cite l’article prolongeant sa propre réflexion avec « Shifting the Exhibitionary Complex» [17] – mettent en lumière que le changement décisif se situe au niveau de l’ouverture de l’institution aux règles du capitalisme, alors qu’auparavant c’était la machine civique (« civic engine ») de la démocratie qui était supposée émanciper le nouveau citoyen affranchi par l’intermédiaire des savoirs délivrés par les œuvres. « Ce qui a changé de manière drastique, c’est la nature de la relation entre art et capital. Un nombre important d’évolutions, depuis les années 1950 – les fonds d’investissement en art ; le sponsorship de marque et la prévalence des collections privées – ont donné lieu au renforcement de l’interdépendance entre les musées d’art et les représentants du capitalisme global. » [18]

Le musée synchronique

Rosalind Krauss dans son article « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif » [19] tente une désignation du musée de l’ère biopolitique et du changement discursif qu’il implique, relevant selon l’auteure : « […] du passage de la diachronie à la synchronie. Le musée encyclopédique entendait raconter une histoire, en déployant devant son visiteur une version particulière de l’histoire de l’art. Le musée synchronique – si on peut l’appeler ainsi – renoncerait à l’histoire au nom d’une sorte d’intensité de l’expérience, une force esthétique qui a perdu de son acuité temporelle (historique), puisqu’elle est maintenant radicalement spatiale […]. » [20]

Elle fonde en partie son analyse sur l’expérience relatée par le directeur du Guggenheim Museum de New York dans une interview : lors d’un trajet sur une autoroute à la sortie de Cologne, il a la révélation d’un changement radical du discours, soit le bouleversement des structures conventionnelles dans lesquelles l’art est perçu. Tom Krens estime ainsi que « c’en était “terminé” de la nature encyclopédique du musée » [21]. Il est intéressant de rapprocher, comme le fait Krauss, l’expérience de Krens dans la vallée de la Ruhr alors qu’il venait de visiter un espace d’exposition spectaculaire construit dans une usine reconvertie, avec celle de l’artiste Tony Smith sur l’autoroute en construction du New Jersey aux États Unis lors de laquelle il a le sentiment d’un achèvement : « J’ai pensé en moi même : il est évident que c’est la fin de l’art –  que les espaces non balisés sont une  réalisation “culturelle” en dehors de l’échelle de la culture. » [22] Krauss précise « avec le recul, nous savons aujourd’hui que cette “fin de l’art” annoncée par Tony Smith coïncidait avec les débuts du minimalisme et qu’elle en était l’infrastructure. » [23]

Musée Solomon R. Guggenheim, architecture Frank Lloyd Wright, 1959

On peut ajouter à ces constats celui fait par Le Corbusier sur l’acropole, lors de son séjour de 21 jours sur le piton rocheux, qui donnera naissance au plan libre et à la promenade architecturale, rendant obsolète les murs porteurs et la composition symétrique. Cela permet de mieux comprendre en quoi le passage du musée encyclopédique du XIXème siècle organisé en disciplines et en périodes, vers le musée synchronique inscrit dans l’espace et animé par l’expérience, est au cœur d’une révolution des comportements du XXème siècle. Pour les artistes à l’avant-garde de cette mutation, cela se fait au profit d’un accès aux pratiques non académiques et au bénéfice d’un rapport vivant à la création réconciliée avec la vie quotidienne et son environnement. Cela se traduit, par exemple, pour l’architecte polonais Oscar Hansen dans la méthode de la « forme Ouverte » [24] ou chez la chorégraphe américaine Anna Halprin avec le « Scoring » [25] qui remplace la chorégraphie et le « dance deck » ouvert sur l’environnement extérieur (à la différence du plateau cantonné à l’intérieur du théâtre). Du point de vue artistique, rompre avec les pratiques académiques inscrites dans leurs murs porteurs revient à dégager un plan libre qui favorise une transparence – « il ne peut avoir de secrets dans la notation » [26]– à rendre visible, à l’instar d’un programme architectural, les organes aux fonctions spécifiques les uns à l’égard des autres, en supprimant l’effet de coulisses. Comme pour tout dispositif, cela revient enfin à engager un processus de subjectivation qui s’instaure sur la désubjectivation liée aux pratiques précédentes. « Les partitions, en elles-mêmes, sont dénuées de jugement. Cela veut dire qu’elles ne moralisent pas et ne préconçoivent pas ce qu’il doit arriver. » [27]

Krens – pour qui l’exposition est « un produit », qui parle de « l’industrie du musée », la décrivant comme « surcapitalisé », ayant besoin de fusions et d’acquisitions, ainsi que de « gestion de biens » – en tire, selon Krauss, d’autres conséquences : « 1) de plus gros stocks de fonds (l’acquisition par le Guggenheim de trois cents œuvres de la collection Panza est un premier pas dans cette direction) ; 2) des débouchés concrets pour vendre le produit (les projets de Salzbourg et de la Dogana de Venise sont les moyens potentiels pour ce faire) ; et 3) engager la collection (ce qui tout spécialement dans le cas ne signifie pas la vendre, mais plutôt la faire passer dans le secteur crédit, soit la circulation des capitaux) ; la collection sera donc obligée de voyager, en tant que forme de dette, et l’hypothéquer serait un moyen d’action plus classique et plus direct pour accroitre la rentabilité des capitaux. » [28]

Krens ne partage pas seulement avec Le Corbusier, les aspects problématiques de sa vision abstraite et machinique visibles, notamment, dans le texte de la conférence « Air-Son-Lumière » [29] où l’architecte présente un projet d’habitat isolé des contingences historiques et environnementales, il l’élève au degré supérieur du calcul numérique en assignant l’activité du musée à celle des flux de capitaux [30], l’orientant ainsi vers l’obscurantisme des marchés financiers. Le processus de désubjectivation d’un tel dispositif produit un sujet fragmenté et confus, à l’opposé de l’émancipation offerte par les protocoles des artistes selon Krauss : « Et j’avancerais que c’était ce sujet fragmenté qui guettait le spectateur à l’exposition Panza de Paris – pas le sujet de l’immédiateté · vécue corporellement du minimalisme des années 1960, mais le sujet dispersé, noyé dans un labyrinthe de signes et de simulacres du postmodernisme de la fin des années 1980. » [31]

On peut retrouver une traduction artistique de ce processus de subjectivation et de désubjectivation dans le projet de l’artiste Matthieu Saladin proposé pour la documenta 14. Il avait la vertu d’exposer au seuil même de la manifestation – au niveau du ticket d’entrée individuel – cette indexation du sujet aux variations de l‘activité économique : « Le projet Debt Price consiste simplement en l’addition d’un prix d’entrée supplémentaire aux prix d’entrées d’ores et déjà existant. Ce prix d’entrée, appelé le Debt Price, est indexé au taux de l’obligation grecque à dix ans en temps réel. Cette indexation est seulement valable pour un ticket d’entrée valide pour la journée. Les visiteurs ont le choix entre payer le prix standard et le prix du Debt Price pour leur droit d’accès. Le Debt Price est imprimé sur le ticket journalier même, à côté du prix standard (22€). » [32] Ce projet ne sera malheureusement pas réalisé pour des questions administratives, mais il conserve toute sa pertinence.

Pouvoir souverain, pouvoir du capital, pouvoir vectorialiste

Si on suit la logique des marqueurs temporels  selon Tony Bennett tel que le pouvoir souverain à la Renaissance et le pouvoir disciplinaire à l’époque des lumières, il convient de trouver une manière d’actualiser le troisième terme correspondant à la période biopolitique et au musée post-industriel de Tom Krens. Dans un récent article « Quand l’information mine le capital » [33], Yves Citton nous en offre la possibilité : « C’est par paresse intellectuelle qu’on désigne du vieux terme de “capitaliste” la nouvelle classe dominante qui profite des nouvelles formes de pouvoir instaurées par la société numérique. Nous assistons en réalité à l’émergence d’une nouvelle classe sociale, la classe vectorialiste, qui se caractérise par sa capacité à contrôler et à profiter des vecteurs à travers lesquels l’information se trouve mise en circulation et valorisée. » [34]

L’auteur en décrit les conséquences intimes produites sur le corps : « Nous sommes entrés dans une certaine forme de post-capitalisme dès lors que les travailleurs se sont trouvés en position de porter leur principal moyen de production dans leur corps propre (leurs capacités cognitives, leur mémoire, leur savoir-faire, leur bonne gestion des affects, leur carnet d’adresses). » [35] Citton prolonge encore sa redéfinition des termes de l’économie politique en ajoutant la « classe hacker » comme pendant à la classe vectorialiste : « Même si ce corps propre est de plus en plus intensément électrisé par des notifications, des sollicitations et des exigences qui les soumettent toujours plus directement aux aléas des cotations boursières, c’est bien un double mouvement d’aliénation et de réappropriation qu’il faut envisager pour comprendre les menaces et les promesses auxquelles doit aujourd’hui faire face la “classe hacker”, dans les conflits qui l’opposent aux intérêts de la classe vectorialiste. » [36]

Die, Tony Smith, 1962
© Spencer Finell

Le musée synchronique de l’ère vectorialiste est accompagné par la formation d’un nouveau sujet radicalement contingent (le·la hacker), comme lors de la période capitaliste dont le musée encyclopédique avait forgé le flâneur rendu célèbre par Baudelaire et par l’emploi de ce terme par Walter Benjamin dans l’exposé Paris Capitale du XIX siècle. Il est alors important de reposer la question initiée par Krauss : « Comment un mouvement artistique (le minimalisme) qui souhaitait attaquer la marchandisation et l’envahissement de la technologie, a-t-il pu porter en lui, depuis toujours d’une certaine façon, les codes de ces conditions mêmes ? […] Comment un art qui insistait tellement sur la spécificité portait déjà en lui, programmée, la logique de sa violation ? » [37]

La stratégie de Re-conception du musée décrite par Krens lui-même comme plus ou moins motivée par la manière dont le minimalisme restructurait le « discours » esthétique peut apporter une réponse. Si on accepte la partition générale et massive de l’être en deux grandes classes – selon la lecture de Foucault par Giorgio Agamben : « d’une part les êtres vivants (ou substances), de l’autre les dispositifs à l’intérieur desquels ils ne cessent d’être saisis. » [38] – entre les deux, comme tiers, il y a les sujets qui prennent la forme d’un « corps à corps entre les vivants et les dispositifs »[39]Un même individu, une même substance, peut être le lieu de plusieurs processus de subjectivation. Un même dispositif active un processus de subjectivation pour plusieurs individus. Tom Krens et l’artiste minimaliste Robert Morris, par exemple, varient dans leur manière de « dégager les relations de l’œuvre et de les rendre dépendantes de l’espace, de la lumière et du champ visuel du spectateur. »[40] Le·la conservateur·rice de musée assigne l’œuvre à la financiarisation de la culture sous prétexte de protéger la création, l’artiste avec son œuvre tente de résister au fétichisme de la marchandise en se plaçant sur le terrain industriel.

Fondation Louis Vuitton, architecture Frank Gehry, 2014

Quelle stratégie devons-nous adopter dans notre corps à corps quotidien avec ces dispositifs ? C’est cette question que pose Agamben. Krauss pourrait en obtenir aujourd’hui la réponse en s’arrêtant sur le nouveau rôle incarné par Suzanne Pagé qui en 1990, dans l’introduction de son texte, lui présente l’exposition des œuvres minimales de la collection Panza au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris, et qui dirige aujourd’hui la Fondation Louis Vuitton. Krauss conclut son texte en prédisant que le musée de l’ère biopolitique aura « […] donc à traiter avec les marchés de masse plutôt qu’avec les marchés de l’art, et avec l’expérience du simulacre plutôt qu’avec celle de l’immédiateté esthétique. » [41] Cette analyse revêt un caractère prophétique pour l’ancienne conservatrice du musée public aux commandes de l’entreprise de communication du plus grand fabricant mondial de produits de luxe. Ce que Krens commence à mettre en place dans les années 1990 s’est réalisé à partir de 2003, en France, grâce à la loi Aillagon, du nom du ministre qui l’a portée et qui dirige maintenant Pinault Collection de l’autre géant du luxe qui s’installe prochainement au centre de Paris, dans l’ancienne bourse du commerce. 

Dispositif 

Un dispositif selon Agamben est un ensemble hétérogène comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des mesures administratives, « bref : du dit aussi bien que du non-dit » [42]. Ce que Krauss parvient à faire dire au nouveau dispositif muséal du règne biopolitique, c’est qu’il n’agit plus seulement par la production de sujet, mais surtout par par la désubjectivation, elle le décrit comme un sujet fragmenté et « technologisé » [43], elle rejoint en cela l’analyse d’Agamben : « Les sociétés contemporaines se présentent ainsi comme des corps inertes traversés par de gigantesques processus de désubjectivation auxquels ne répond aucune subjectivation réelle. De là l’éclipse de la politique qui supposait des sujets et des identités réels (le mouvement ouvrier, la bourgeoisie, etc.) et le triomphe de l’économie, c’est-à-dire d’une pure activité de gouvernement qui ne poursuit rien d’autre que sa propre reproduction. » [44]

Maquette Bourse du Commerce —  Pinault Collection
© DR

Par conséquent pour corroborer le changement de gouvernementalité en milieu ouvert opéré à l’ère biopolitique, la fondation privée d’art contemporain remplace le modèle du musée encyclopédique public de la société disciplinaire en milieu fermé, rendu obsolète. D’où la floraison de fondations privées et la conversion certaine de tous musées publics en entreprises commerciales équilibrées par des fonds privés dans un proche avenir. « […] les dispositifs visent, à travers une série de pratiques et de discours, de savoirs et d’exercices, à la création de corps dociles mais libres qui assument leur identité et leur liberté de sujet dans le processus même de leur assujettissement. » [45], selon le philosophe italien. Comme les techniques du béton armé ou de la paroi de verre permettaient la réalisation du plan libre, et de ce fait rendaient caduc l’organisation de l’espace à partir de ses murs porteurs ou de son rapport à l’extérieur (fenêtre), le dispositif à l’ère biopolitique reconfigure le territoire des catégories qui ont fondé la période précédente comme par exemple l’« Intérêt général » et le « Bien commun ». Il n’y a plus de temps politique homogène [46], les cloisons sur le plan libre distribuent une tout autre logique de territoire [47]. L’important, alors, n’est pas tant que le musée soit public ou privé – par exemple la documenta est une organisation à but non lucratif, financée par des fonds publics et privés – mais la manière de problématiser l’usage des ressources, de faire fonctionner la vérité – être dans la transparence des moyens et des fins, du but lucratif ou non et au profit de qui – au sein de ses activités. Pour exemple, la contestation par les artistes, de l’interprétation des chiffres du bilan de la manifestation documenta 14, dont les autorités ont concentré le déficit sur son volet grec. Les artistes mettent en évidence le caractère politique de cette rationalité économique, qui aurait pu tout aussi bien reconnaître les bénéfices indirects obtenus par la manifestation à Kassel (estimés par l’université de la ville à environ 150 millions d’euros de gain provenant de la taxe sur la valeur ajoutée) : en reverser 5 % à l’événement qui les a générés aurait suffi à ramener le bilan à l’équilibre. En d’autres termes, on peut toujours substituer à la théologie du tableau Excel, une politique de proximité.

Il faut questionner la liturgie développée par ces institutions publiques ou ces entreprises ou fondations privées, en se demandant : comment ces lieux garantissent une égalité d’accès, à ses usager·ère·s et acteur·rice·s (artistes, auteur·e·s), aux informations et à la gestion, sans discrimination de classe, de genre, de race, de religion, ou d’opinion politique ? Jusqu’à quel point ces dispositifs autorisent, conditionnent ou empêchent, l’exercice des pratiques du temps, des espaces, des lieux, de la critique, de la politique, des enquêtes, de la mémoire, des fantasmes, des mœurs et de l’histoire ? 

Un dispositif selon Agamben est avant tout une machine qui produit des subjectivations, et donc, une machine de gouvernement. Il est alors légitime pour l’artiste de savoir, si dans cette construction fondée sur l’indistinction entre intérêts particuliers et bien collectif – dont l’ancienne bourse de commerce de Paris devenu Collection Pinault est l’un des derniers avatars –, il est invité au partage avec la collectivité ou s’il est employé au bénéfice de l’entreprise. De même pour le visiteur·se, on doit pouvoir évaluer s’il·elle est honoré·e comme un·e citoyen·ne ou considéré·e en tant que consommateur·rice, voire comme une donnée assignable au bénéfice de la valeur de l’action de l’entreprise sur les marchés.

Portrait of a Woman with Institution – Anča Daučíková with Catholic Church, 2011
Video, 19 m 49 s.
Courtesy the artist 

Portrait of a Woman with Institution – Anča Daučíková with Roman Catholic Church 

Portrait of a Woman with Institution d’Anna Daučíková permet de conclure, comme elle a été introduite, par la description d’une œuvre, cette introduction à une analyse de la logique culturelle des fondations privées d’art contemporain à l’ère du capitalisme tardif. Car, ces institutions maitrisant l’alternance entre effacement et ostentation pour apparaître comme les cadres libres de la création, ne sont pas moins des constructions au même titre que les objets qu’elles contiennent. 

Dans Portrait of a Woman with Institution, Anna Daučíková reconstitue l’expérience vécue au sein de l’institution religieuse catholique qui l’avait convoquée au titre de témoin dans une affaire conjugale. Elle incarne successivement face caméra le rôle de l’enquêteur clérical en charge du dossier de divorce, et son propre rôle en tant que témoin pour représenter la femme du couple qui demande le divorce à cause de l’incapacité de son mari à la satisfaire sexuellement. L’artiste déplace l’entretien confidentiel qui a eu lieu à l’intérieur de l’institution dans l’espace public, au milieu des passants, en exposant la façade ostensible de l’église en arrière-plan. La captation vidéo restitue les axes des deux caméras autour desquelles tourne l’artiste pour changer de rôle au moment où elle passe en hors-champ. La double projection représente non seulement le clivage entre les manières de vivre des deux protagonistes à travers le catéchisme de l’institution et le témoignage de l’artiste, mais aussi le divorce du couple qui incarnerait la perversion de l’homme par la femme, ou respectivement de l’instinct de propagation par l’émotion voluptueuse [48]. La duplicité de l’image accentuée par l’artiste dans cette œuvre met en crise l’unité de l’institution, sa rationalité, son mode de raisonnement, et sa production de sujets fondée sur l’infrastructure invisible d’une désubjectivation des minorités jugées par l’église inférieures ou perverses ou qui ne se retrouvent pas dans la norme dominante de cette dernière. 

Si le modèle de toute institution est universellement l’Église, l’Église et l’État – et leur séparation que l’on peut relier au régime disciplinaire vu précédemment dans ce texte – font ménage à nouveau avec la bénédiction de l’entreprise [49]selon la logique du plan libre de l’ère biopolitique. Anna Daucikova nous montre avec cette œuvre que toutes les institutions (les institutions financières incluses) ont en commun un caractère transcendantal qui détermine la manière dont les sujets qui les habitent sont représentés, la fondation privée d’art contemporain avec son hymne à l’appréciation de la valeur en capital, à la compétitivité, et à la cote de crédit, n’y échappe pas. 

Ce texte est la note d’introduction du séminaire “La logique culturelle des fondations privées dans le capitalisme tardif” organisé par Pierre Bal-Blanc et Kathrin Rhomberg le 25 juin 2019 qui rassemble également les fondations Generali et TBA 21 au Tanzquartier à Vienne dans le cadre de l’exposition performative “Collective Exhibition for a Single Body – The Private Score – Vienna 2019” produite à l’initiative de la collection Kontakt de la fondation Erste Banque et de Tanzquartier du 18 au 28 juin 2019.
https://tqw.at/en/event/parallax-views/


[1]  « Concretely said, by putting themselves via essentially absolute provocation in a defined ghetto space where the act of watching is primarily exercised (the Other), by watching those who are watching the artists create a deflection of the meaning, that is to say, they simulate the change of the paradigm of watching. Exoticism of the watched is transposed. » dans Vlado Martek, extrait du statement pour Artists in the Zoo / Umjetnici u kavezu (u Zološkom vrtu), 1976–1998

[2] Tony Bennett, « The Exhibitionary Complex », New Formations, n°4 « Cultural Technologies », été 1988, pp.73-102. L’article est consultable en ligne à ce lien : http://banmarchive.org.uk/collections/newformations/04_73.pdf

[3] Le Corbusier, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme, Éditions Crès, Collection de “L’Esprit Nouveau”, Paris, 1930. Cet ouvrage regroupe la transcription de dix conférences faites par l’architecte à Buenos Aires. 

[4] Jacques Lucan, Composition non-Composition : architecture et théories, XIX -XX siècles, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2009, 607p.

[5]Ibid., p.356

[6]Ibid., p.367

[7] Henri Lefebvre, La production de l’espace, Paris, Éditions Anthropos, 1974, 485 p.

[8] Le Corbusier, « Air-Son-Lumière », La Cité, volume 12 n°1, janvier 1934, pp.11-13. Consultable en ligne :http://bluemountain.princeton.edu/bluemtn/?a=d&d=bmtnaac193401-01.2.6&

[9]Ibid., p.12

[10] « […] the technologies of vision [are] embodied in the architectural forms of the exhibitionary complex. » dans Tony Bennett, « The Exhibitionary Complex », op. cit., p. 76

[11] « […] perfected a self-monitoring system of looks in which the subject and object positions can be exchanged, in which the crowd comes to commune with and regulate itself through interiorizing the ideal and ordered view of itself as seen from the controlling vision of power- a site of sight accessible to all.» dans ibid., p.82

[12] Construit en 1580-1585 par l’architecte Andrea Palladio.

[13] Construit en 1851 dans Hyde Park, à Londres, pour abriter la première exposition universelle.

[14] « it was no longer the power of the sovereign that was on display but rather the power of capital »  dans Tony Bennett « Exhibition, Truth, Power: Reconsidering “The Exhibitionary Complex”» dans Quinn Latimer et Adam Szymczyk (éd.), The documenta 14 Reader, Munich, London, New York, Prestel Verlag, 2017, p.343 

[15] « How have the institutional contexts for the exhibition of art changed from the positions they occupied within earlier versions of the exhibitionary complex, and what relations of truth and power now inform their practices? » dans ibid., p.345 

[16] L’administration culturelle en département rebâtira ensuite très vite des murs porteurs virtuels et étanches qui contredisent la théorie de l’ordre ouvert.

[17] Terry Smith, « « Shifting the Exhibitionary Complex » dans Terry Smith, Thinking Contemporary Curating, New York, Independent Curators International, 2012, pp.57-99. Le chapitre est consultable à ce lien :http://curatorsintl.org/images/assets/TCC_book_chap_2.pdf

[18] « What has changed decisively is the nature of the connections between art and capital. A number of developments since 1950s- art-investment funds, corporate sponsorship and collecting-have resulted in increasingly strong connections between art museums and the representatives of global capital. », dans Tony Bennett « Exhibition, Truth, Power: Reconsidering “The Exhibitionary Complex”», op.cit., p.349 

[19] Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif » (traduit de l’anglais par Michèle Veubret) dans Catherine Chevalier et Andreas Fohr (éd.), Une anthologie de la revue Texte zur Kunst de 1990 à 1998, Dijon & Zurich, Les presses du réel & JRP|Ringier, 2011, pp.186-203. La version anglaise de l’article est consultable en ligne : https://cpb-us-e1.wpmucdn.com/blog.uta.edu/dist/b/4296/files/2017/01/krauss_late_capitalist_museum-12u8xdf.pdf

[20]Ibid., p.191-192 

[21]Ibid., p.191 

[22]Ibid., p.191 

[23]Ibid., p.191 

[24] « La forme Fermée crée une esthétique qui lui est propre. La forme Ouverte – L’ART DES EVENEMENTS – cherchera aussi ses propres méthodes d’étude, ses moyens d’expression, son esthétique. La Forme Ouverte qui est la forme d’une somme d’événements, somme d’individus d’un milieu donné, doit, en conséquence nous conduire à l’expression de LA FORME DU MILIEU. » Oscar Hansen, « La forme ouverte dans l’architecture. L’art du grand nombre », Le Carré Bleu, 1961, n°1, p.7. Le numéro de cette revue est consultable en ligne au lien suivant : http://www.lecarrebleu.eu/PDF_INTERA%20COLLEZIONE%20LCB/FRAPN02_CARR_1961_001.pdf

[25] « Score open up options rather than closing them down
Score are not static; they extend over time
Scores themselves are nonjudgemental. That is, they do not moralize or preconceive what is to happen.
Sores tell what and why not how
Scores are non-hierachical
Scores are pluralistic
Scores can be an end in themselves. They do not have to result in the process itself.
Score have a life of their own as distinguished from the performance of the score; for example, a plan for a building never build or a poem never read or a fantasy never lived out.
Scores are nonresult-oriented
Scores prevent “hidden agendas” (there cannot be secrets in scoring) » Lawrence Halprin. The RSVP cycles: creative processes in the human environment, New York, G. Braziller, 1970. 

[26] « there cannot be secrets in scoring », ibid.

[27] « Scores themselves are nonjudgemental. That is, they do not moralize or preconceive what is to happen. », ibid.

[28] Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif », op. cit., p.200-201 

[29] Le Corbusier, « Air-Son-Lumière », op. cit.

[30] Voir mon article sur les fondations d’entreprises, qui met à jour à partir, notamment, des exemples de Pinault et LVMH, les stratégies initiées en son temps par Tom Krens pour le Guggenheim Museum. Pierre Bal-Blanc, « Zwischen Grau und Silber : Dimensionen privater und öffentlicher Kunstfinanzierung », springerin, n°3, été 2018.

[31] Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif », op. cit., p.197-198 

[32] « The Debt Price project only consists in adding an extra entrance ticket price to the existing set of entrance ticket prices. This entrance ticket price, called Debt Price, is indexed to the rate of Greece Government Bond 10 years in real time. This indexation only concerns the day ticket. Visitors have choice between paying the standard price or the Debt Price for their entrance ticket. The Debt Price is printed on the day ticket itself, beside its standard price (22 €). » « The Debt Price is calculated in real time (or once a day, every morning, but in real time would be better and is easy to do) according to the actual rate of the Greek sovereign debt (Greece Government Bond 10Y). If the interest rate of debt increases, the ticket price increases. If the interest rate of debt reduces, the ticket price reduces. All the process is automatically calculated by a software (very simple, it is only a cross-multiplication actually), which can be installed on the website of documenta 14 or on the computers of the admission ticket offices (with Internet access). So this price for day ticket is not fixed, but variable. After the living currency by Klossowski, here is the living ticket. It is fluctuating all the time according to the actual rate of Greek sovereign debt during all duration of documenta 14. In other words, the debt market determines the price of this day ticket.» Matthieu Saladin. Debt Price – Proposal for documenta 14 “Learning from Athens”, 2016.

[33] Yves Citton, « Quand l’information mine le capital », AOC, 23 février 2018. Consultable en ligne :  https://aoc.media/analyse/2018/02/23/quand-linformation-mine-le-capital/

[34]Ibid.

[35] Yves Citton, « Raviver un souffle post-capitaliste », Multitudes, n°70, 2018/1, p.73. Consultable en ligne : https://www.cairn.info/revue-multitudes-2018-1-page-59.htm?try_download=1

[36]Ibid., p.73

[37] Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif », op. cit., p.196 

[38] Giorgio Agamben, « Théorie des dispositifs » (traduit de l’italien par Martin Rueff), Po&sie, n°115, 2006/1, p.29. Consultable en ligne: https://www.cairn.info/revue-poesie-2006-1-page-25.htm

[39]Ibid., p.30

[40]  Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif », op. cit., p.192 

[41]Ibid., p.201 

[42] Michel Foucault cité dans Giorgio Agamben, « Théorie des dispositifs », op. cit., p.25

[43] « Et j’avancerais que c’était ce sujet fragmenté qui guettait le spectateur à l’exposition Panza de Paris, pas le sujet de l’immédiateté vécue corporellement du minimalisme des années 1960, mais le sujet dispersé, noyé dans un labyrinthe de signes et de simulacres du postmodernisme de la fin des années 1980. » Rosalind Krauss, « La logique culturelle du musée dans le capitalisme tardif», op. cit., p.197-198

[44] Giorgio Agamben, « Théorie des dispositifs », op. cit., p.32

[45]Ibid., p.32

[46] « Il est indispensable de concevoir le temps de la politique comme non homogène. C’est dans cette hétérogénéité indépassable, dans cette pluralité, dans cette multiplicité, que se jouent les résistances aux mécanismes complexes de la domination (concept qui ne saurait lui non plus être unifié et unifiant). » Didier Eribon, Principes d’une pensée critique, Paris, Fayard 2016, p.20

[47] Wendy Brown, Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, Paris, Les Prairies Ordinaires, 206p.

[48] « Ce que nous nommons la perversion, n’est rien d’autre que la première réaction contre l’animalité pure et donc une première manifestation interprétative des impulsions elles-mêmes, propre à décomposer ce que le terme de sexualité embrasse de manière générique, soit d’une part, en l’émotion voluptueuse préalable à l’acte de procréation, et d’autre part, en l’instinct de procréation spécifique, deux propensions dont la confusion fonde l’unité de l’individu apte à se reproduire, et dont la séparation prolongée, nonobstant l’achèvement organique de l’individu, met au défi sa propre fonction de vivre. » Pierre Klossowski, La monnaie vivante, Paris, Eric Losfeld. 1970.

[49] Selon des intensités variables selon les pays, voir Wendy Brown Défaire le dèmos : le néolibéralisme une révolution furtive, Paris, Éditions Amsterdam, 296p.