Sur la question de l’anonymat 


L’anonymat est une tactique employée par de nombreux·ses auteur·e·s afin de s’exprimer librement sur certaines questions jugées subversives par les autorités ou par un milieu donné (dénonciation d’abus de pouvoir, de situations de violence émanant des institutions et des dominants, de discours haineux, de relations compromettantes, etc.). L’anonymat est utilisé pour garantir la liberté de parole et minimiser le risque de sanctions, qu’elles soient légales, professionnelles, ou interpersonnelles, mais ne les empêche pas pour autant.

Dans son ouvrage La domination et les arts de la résistance. Fragments du discours subalterne (2009) le politologue anarchiste américain James C. Scott fait la distinction entre « texte caché » et « texte public ». Il élabore un modèle pour penser les relations dominant·e·s-dominé·e·s : « Tout groupe dominé produit, de par sa condition, un “texte caché” aux yeux des dominants, qui représente une critique du pouvoir. Les dominants, pour leur part, élaborent également un texte caché comprenant les pratiques et les dessous de leur pouvoir qui ne peuvent être révélés publiquement. »

La duplicité est alors la règle mais James C. Scott montre les conditions qui peuvent la faire varier.

L’une d’entre elles consiste en l’usage de l’anonymat, où les messager·ère·s sont certes masqué·e·s, mais où la critique, le message, peut néanmoins être direct et sans ambiguïté.

Par exemple lorsque Nicolas Bourriaud, ancien directeur du Palais de Tokyo et de l’École des Beaux Arts de Paris, actuel directeur du Mo.Co, commissaire de la biennale d’Istanbul 2019 s’insurge contre les auteur.e.s du texte paru hier sur Documentations en raison de son caractère anonyme, on peut s’interroger sur la nature du rapport de pouvoir qui existe entre Nicolas Bourriaud et les voix qui voudraient défier son autorité. Nous pourrions ainsi nous demander : lorsqu’un débat met en cause Nicolas Bourriaud dans le milieu de l’art français, qui, mis à part Nicolas Bourriaud lui-même, peut s’autoriser à s’exprimer à visage découvert ? 

Si la question de l’anonymat en contexte de domination vous intéresse, documentations vous recommande plusieurs ouvrages à ce sujet :

–   Geoffroy de Lagasnerie, L’art de la révolte: Snowden, Assange, Manning, 2015, Paris, Fayard, 220p.
–   Annika Bender, Death of an Art Critique, 2017, Sternberg Press, 96p.
– Yaman Akdeniz, « Anonymity, Democracy, and Cyberspace » dans Social Research,
(2002) 69(1), Spring, pp 180-194.
– Hans Asenbaum, « Anonymity and Democracy: Absence as Presence in the Public Sphere » dans American Political Science Review, Volume 112, Issue 3, août 2018, pp. 459-472



  • Lettres
    Lettre ouverte

    Suisse, 9 juin 2020 Comment allez-vous soutenir activement les artistes et les travailleuses·x·eurs culturelles·x·els Noires·x·rs à l’avenir ? Comment comptez-vous activement démanteler la suprématie blanche et les discriminations raciales qui régissent votre structure? Chers institutions culturelles, musées, espaces d’art, galeries et espaces indépendants en Suisse, Suite aux meurtres violents commis par la police contre Breonna Lettre ouverte


    Lire la suite
  • Enquêtes
    Entretien : Collectif des Vacataires de Paris Musées

    Documentations : Pour commencer, pourriez-vous nous présenter les postes que vous occupez au sein de Paris Musées et ce que signifie ce statut de « vacataire » ? Collectif des Vacataires Paris Musées : Nous occupons différents postes à Paris Musées qui vont de la surveillance des salles d’expositions temporaires et permanentes, de l’accueil Vigipirate, à Entretien : Collectif des Vacataires de Paris Musées


    Lire la suite
  • Brèves
    Sur la question de l’anonymat 

    L’anonymat est une tactique employée par de nombreux·ses auteur·e·s afin de s’exprimer librement sur certaines questions jugées subversives par les autorités ou par un milieu donné (dénonciation d’abus de pouvoir, de situations de violence émanant des institutions et des dominants, de discours haineux, de relations compromettantes, etc.). L’anonymat est utilisé pour garantir la liberté de Sur la question de l’anonymat 


    Lire la suite
  • Entretiens
    Les mots de trop

    En juin 2020, nous avons vu apparaître, via les réseaux sociaux et un site internet, des affiches où sur des formes sombres se détachent des morceaux de textes :“Ce qui me saute immédiatement aux yeux c’est que ta mère à des très gros seins” ; “Les bourrelets c’est dégueulasse” ; “Elle est trop asiatique” ; “Mets Les mots de trop


    Lire la suite